J’aime les livres qui évoquent le temps passé, la vie de nos aïeux, les histoires de famille inscrites dans un terroir synonyme d’ancrage.
Parmi les titres de l’auteur que je découvre, Même les méchants rêvent d’amour répond à tous ces critères de lecture bonheur et réconfortante.
L’autrice, Anne-gaëlle Huon, m’a transportée dans un autre temps.
Voici pourquoi.
Le résumé de Même les méchants rêvent d'amour :
Jeannine a 89 ans passés.
Elle aime : les bals musette, les costumes des patineuses artistiques, et faire un si aux petits chevaux. Elle n’aime pas : le sucre sur le pamplemousse, les films d’horreur et les gens qui postillonnent.
Le jour où on lui annonce que sa mémoire s’apprête à mettre les voiles, Jeannine est déterminée à ne pas se laisser faire. Alors elle dresse des listes. Et elle consigne dans un carnet tous les bonheurs qui ont marqué sa vie. Quand Julia, sa petite-fille, le rejoint en Provence, elle découvre ce que sa grand-mère n’a jamais osé raconter. L’histoire d’un secret, d’un mensonge. Julia va tenter de faire la lumière sur les zones d’ombre du récit. Et s’il n’était pas trop tard pour réécrire le passé ?
« Le temps est venu de te dire ce dont je n’ai jamais osé te parler. Parce que ma tête prend l’eau, que mes souvenirs se grippent et que ma mémoire me file entre les doigts. Parce que, et c’est sans doute le plus important, c’est en sachant d’où l’on vient qu’on peut savoir où l’on va ».
Mon avis et ressenti :
Même les méchants rêvent d’amour… Que cache ce titre ?
Ce sont les premiers mots que Julia découvrent sur un carnet de feutrine caché dans une boîte, dans une armoire, que lui avait préparé sa grand-mère.
Tout ce qui a rempli sa vie, sans qu’elle puisse parler de ses blessures et chagrins les plus profonds. Un carnet-mémoire, dans lequel elle retrace l’essentiel de son histoire, avant d’oublier…
Et, à travers la lecture, Julia a cette impression de refaire connaissance avec Jeannine. Elle replonge aussi dans les souvenirs de sa propre enfance, une bouffée d’oxygène et de joies dans son quotidien parisien un peu morose parfois. Même si elle y fait ce qu’elle aime, écrire.
Depuis qu’elle a retrouvé sa grand-mère, chaque jour, c’est le coeur gonflé d’émotions que Julia lui rend désormais visite à La Bastide, son nouveau cocon. Jeannine y vivra en sécurité, protégée par son nouvel ange gardien Félix, une pépite humaine, inépuisable en ressources qui enchantent son quotidien ; entourée par une joyeuse tribu de pensionnaires, tous aussi drôles, tendres et attachants les uns que les autres.
C’est aussi là que Julia croise Lucienne, l’amie fidèle de Jeannine, dont elle découvrira malgré tout les secrets enfouis qui la rongent…
Cette plongée dans le passé permet aussi à Julia de prendre conscience de sa propre vie; dans le petit village provençal de ses vacances, elle réalise la vitesse à laquelle le temps défile et, parfois, emporte même les plus doux souvenirs.
« Julia sent monter en elle une vague de culpabilité. Elle pense au temps perdu, et à la mémoire de sa grand-mère qui doucement s’éteint. Elle a envie de hurler. Evidemment qu’elle a songé à venir avant ! Evidemment qu’elle a regardé passer les semaines, les mois, les engagements ! Elle sentait bien que ça ne tournait pas rond. Quand parfois elle sortait la tête de l’eau, qu’elle croisait un bouquet de mimosas ou une vieille dame aux yeux rieurs, elle se promettait d’acheter un billet de train dès le lendemain. Mais le lendemain, elle se prenait immanquablement les pieds dans un tapis de mauvaises excuses. Tout cela lui semble à présent bien dérisoire ».
C’est à ce moment précis que ma propre mémoire s’est réactivée.
Et que ce livre a pris une ampleur beaucoup plus importante que celle que je pouvais imaginer.
J’ai découvert tout récemment Même les méchants rêvent d’amour; c’est le premier roman que je lis de l’autrice. Et je reste sous le coup de toutes les émotions ressenties tout au long de la lecture. Absorbée par les histoires entremêlées de chaque personnage, entre passé et présent. Très touchée par la tendresse des liens entre chacun.
En colère par le silence, le mensonge et la trahison de certains… et, en même temps en effet, même les méchants rêvent et méritent l’amour.
La lecture invite à ces questionnements, au-delà de la réaction que peuvent susciter les agissements passés. Rien n’est un hasard dans une vie, même Jeannine en est convaincue ! Et libérer la parole est loin d’être toujours simple, surtout pour reconnaître ses erreurs…
J’ai aussi été secouée par la nostalgie parfois, par la morsure des regrets de ne pas avoir assez profité de mes grands-mères de leur vivant…
Nos aïeux peuvent être des trésors de transmissions pour nous, tout dépend aussi de notre histoire avec eux.
Les liens, la communication ne sont pas toujours simples.
Néanmoins, dans les jours où les souvenirs s’envolent, il me semble que se souvenir de l’ancrage qu’ils représentent aide à retrouver son centre, l’endroit d’où l’on vient.
Ce livre a été pour moi une bouffée d’oxygène autant qu’une petite déflagration intérieure, comme si je réalisais pleinement, peut-être avec l’acuité de l’âge, des expériences et du manque, et en même temps que Julia, l’importance qu’ont eues mes grands-mères dans ma vie, aujourd’hui parties.
Oui la vie à la Bastide peut paraître idyllique tant la bienveillance semble y être le maître-mot, une bienveillance malheureusement trop inexistante dans la réalité du quotidien de nos aînés…Au-delà, c’est l’espoir que cela puisse exister un jour.
Il me semble qu’Anne-Gaëlle Huon, par pudeur pour une partie de sa vie aussi, a fait le choix de rester concentrée sur la joie possible à vivre à tout âge, malgré les circonstances d’une vie qui ne fait pas de cadeaux.
C’est certain, Même les méchants rêvent d’amour viendra compléter la liste de mes « chouchous » en bibliothérapie !
Merci pour ce petit trésor de lecture.
Je le recommande vivement aux personnes qui souhaiteraient retrouver des sensations enfouies pour les laisser vivre ou revivre, tout en acceptant la réalité de nos vie et ce fameux temps qui passe.
Quelques citations :
» Sa mémoire, Jeanine se la figure comme une falaise attaquée par les vents. Un rocher qui s’érode à chaque assaut des vagues. Alors, depuis un mois, chaque matin après avoir fait un brin de vaisselle et tiré la courtepointe, Jeanine écrit. Devant un portrait de Julia, sa petite-fille, lumière de sa vie. Elle écrit pour qu’elle sache d’où elle vient. Et surtout, pour lever le voile sur ces secrets qui la grignotent de l’intérieur. Pour témoigner, transmettre, pardonner aussi peut-être, si tant est que cela soit possible. »
» Julia se réfugie dans ses bras. Sa peau est douce, elle sent bon. Une vague de bonheur teintée de mélancolie la traverse. Elle approche une chaise et s’assoit à ses côtés. Sur la table, un friand encore chaud dans une assiette à fleurs, une nappe blanche et un bouquet de tulipes. Mais rein n’égaie le tableau de cette solitude. »
» Ma Lili, que me resterait-il si toi aussi tu disparaissais ? Si j’oubliais ton nom, ta voix, ton visage ? »
» Julia prend soudain conscience de l’ampleur du combat que Jeanine a mené ces derniers mois. Elle mesure l’angoisse qui devait la saisir quand sa mémoire faiblissait. »
» sa grand-mère lui manque tellement, elle ne s’est jamais sentie aussi seule. Où partent tous ces souvenirs ? S’évaporent-ils en laissant une trace, une émotion, le sentiment confus d’un bonheur passé sur lequel on en peut mettre de visage ? Reviennent-ils en rêves ? »
» Je ne sais pas où je vais, mais je crois que c’est mieux si on y va ensemble. »
Quelques mots sur l'autrice :
Née à Toulon, Anne-Gaëlle Huon a fait des études de Lettres et de commerce en région parisienne avant de débuter une carrière dans la publicité.
Son départ en famille à New-York en 2014 lui donne l’occasion de s tourner vers l’écriture.
Elle auto-publie Le bonheur n’a pas de rides, le succès est immédiat.
En 2019, elle publie Même les méchants rêvent d’amour, un roman inspiré de l’histoire de sa grand-mère.
En 2020, elle publie Les Demoiselles, un hommage pétillant au Pays-Basque et aux couseuses d ‘espadrilles qui ont marqué l’Histoire.
Sa plume sensible et lumineuse convoque des personnages hauts en couleurs, inattendus et attachants.
» J’aime les histoires où les vieilles dames nous disent que le meilleur reste à venir. »
» Nos anciens sont comme des livres ouverts que nous ne prenons pas le temps de lire. »
À très vite.
Magali