Se lire au féminin

Les Brumes de Riverton – Kate Morton

Kate Morton - Les Brumes de Riverton Se Lire au Féminin

Suite à la découverte de Kate Morton en lisant La Scène des souvenirs, j’avais hâte de poursuivre la lecture de ses romans. J’aime les longues descriptions, d’autant plus quand elles me permettent de rester plus longtemps auprès de personnages, d’époques ou de lieux que j’affectionne au cours de la lecture.

Et l’écriture de Kate Morton regorge de descriptions détaillées !

Le résumé :

Été 1924, dans la propriété de Riverton. L’étoile montante de la poésie anglaise, lord Robert Hunter, se donne la mort au bord d’un lac, au cours d’une soirée. Dès lors, les soeurs Emmeline et Hannah Hartford, seuls témoins de ce drame, ne se sont plus adressé la parole. Selon la rumeur, l’une était sa fiancée et l’autre son amante…

1999. Une jeune réalisatrice décide de faire un film autour de ce scandale et s’adresse au dernier témoin vivant, Grace Bradley, à l’époque domestique au château. Grace s’est toujours efforcée d’oublier cette nuit-là. Mais les fantômes du passé ne demandent qu’à se réveiller…

Mon avis et ressenti :

Le prélude à l’histoire racontée par Grace dans ce roman est un projet de film, au titre éponyme à celui du roman; le film que souhaite tourner la réalisatrice Ursula Ryan sur l’histoire des relations entre le poète Robert Hunter et les soeurs Hartford, avant son suicide en 1924. 

La réalisatrice a contacté Grace, alors âgée de 98 ans et seul témoin vivant de cet épisode sombre de Riverton. Dans un premier temps, Grace refuse et préfère enregistrer cette histoire pour son petit-fils Marcus.

Mais, finalement, ses souvenirs lui soufflent d’être présente et de contribuer à faire revivre un peu Riverton le temps de ce tournage.

Remontons donc le temps…

C’est à Saffron Green, dans la campagne anglaise, que vit la famille Hartford, au château de Riverton et que l’auteure pose le décor.

Tout le récit est relaté par Grace, une vieille dame ayant travaillé plusieurs années comme bonne au château de Riverton, puis en tant que camériste auprès d’Hannah, l’une des filles Hartford.

Grace nous raconte son quotidien au sein de cette noble famille, dans le sillage de sa mère (elle aussi au service des Hartford par le passé), entourée des autres domestiques; les paroles entendues au gré des différents services,  les querelles sourdes entre chaque membre, les jalousies, les soirées grandioses, les lettres secrètes en sténo et l’ordre de silence intimé aux domestiques.

Surtout, faire la sourde oreille, pour tout. Ne rien révéler. Jamais.

Grace s’est alors découvert cette faculté à garder un secret. Si farouchement que le poids de la culpabilité n’a pas faibli sous celui de la souffrance, malgré les drames, malgré les années.

Grace se sent toujours aussi coupable d’avoir tout vu et de n’avoir rien dit.

Dans leur enfance, David, Hannah et Emmeline formaient une fratrie soudée, joyeuse et dont la priorité était le Jeu. Celui de leur imagination débordante, des rôles de grands personnages, de leur soif de liberté, le tout secrètement protégé dans un coffre précieux. 

La vie était insouciante sous le ciel de Riverton dans ces temps-là.

David, l’aîné, rêvait d’horizons lointains; la première guerre mondiale lui offrit cette malheureuse opportunité de rejoindre la France.

Hanna, la seconde, souhaitait être libre, « disponible pour toutes les aventures qui pourraient se présenter et l’emporter dans leur tourbillon »… . Et l’amour dans tout ça, à quoi bon ?

Emmeline, la cadette, suivait chacun tout en formulant secrètement des désirs de vie mondaine, à Londres si possible, et pourquoi pas faire carrière dans le cinéma.

En revanche, la vie de leur père, M. Frederick, ressemblait à une succession de jours sans intérêt, soumis à ses propres démons intérieurs et d’une autorité qui empêchait ses filles d’avoir la moindre ambition d’émancipation. Le décès prématuré de son épouse l’avait anéanti, il ne s’en relevait que péniblement.

La première guerre mondiale est venue engloutir les espoirs secrets de chacun. Notamment avec la perte de David, le frère complice et adoré.

Et le départ d’Hannah pour Londres, suite à son mariage avec Teddy Luxton.

Les deux soeurs ont poursuivi leur vie à Londres pendant quelques années, suivies de Grace. 

Malgré la demande en mariage d’Albert, l’un des domestiques de Riverton, survivant traumatisé, Grace préféra rester fidèle à Hannah et renoncer à son amour pour le jeune homme. Car, ce mariage aurait privé Grace d’honorer sa promesse de veiller sur Hannah, ainsi que leur secret filial… Nous ne saurons finalement pas si Hannah était aussi au courant de ce secret.

C’est à Londres qu’Hannah retrouvera Robbie, l’ami de David devenu un poète un peu bohème. Muni d’un présent de la part de David avant son décès, qu’il devait remettre en main propre à Hannah, il sonne un jour chez elle. Cette visite imprévue signe le début de rencontres de plus en plus fréquentes entre eux, de discussions animées au sujet de la littérature, de la poésie, des voyages… tous un monde dont rêve Hannah. Personne ne semble s’offusquer de la présence de l’auteur chez les Luxton. Et Robbie devint peu à peu la bouée de sauvetage dans la vie morne de la jeune mariée. Leur amour secret s’épanouira loin des regards et dans la péniche de Robbie, le comble de l’exotisme pour Hannah.

Le jeune homme réveille ses rêves enfouis, leur redonne vie et Hannah se sent prête à tout pour le suivre…

Sans se préoccuper de réellement connaître les sentiments d’Emmelie envers Robbie…

De manière symbolique, c’est à Riverton que tout s’achèvera de façon dramatique.

Pour chacun.

Là où le couple Luxton s’était à nouveau établi; de là où Hannah pensait repartir pour enfin vivre heureuse et libre avec son véritable amour et là où la trahison et le dénouement se sont révélés dévastateurs…

La version officielle du drame au bord du lac de Riverton avance que Robbie s’était lui-même donné la mort, et que les deux soeurs ne s’adressaient désormais plus la parole, jusqu’au décès tragique d’Emmelie, lors d’un accident de voiture.

Le récit de Grace, précieusement enregistré pour Marcus, met à jour la vérité en la libérant d’un poids beaucoup trop lourd à porter encore.

689 pages…

Affectionnant le romanesque noir, Kate Morton pousse très loin ses descriptions, entremêlant ainsi secrets de famille, le passé qui hante le présent, le retour du refoulé, l’importance de l’héritage familial dans tout ce qu’il peut avoir de plus lourd à porter, les maisons hantées, le confinement des femmes…

Son travail de recherches est à la hauteur du contenu très riche et dense qu’elle propose dans ses romans.

Je reste cependant assez mitigée sur cette lecture pour laquelle je me suis sentie plus spectatrice du récit fait par Grace, sans être émotionnellement très touchée.

Je le regrette un peu.

J’ai aimé passer du temps avec chacun, les voir évoluer dans leur contexte familier et être témoin des passages les plus déterminants de leur vie. 

Il m’a malgré tout manqué le ressenti; je ne me suis pas sentie transportée par les émotions, peut-être un peu étouffées par les longueurs répétitives à certains moments du récit. Je me suis parfois sentie perdue. 

Le dénouement arrive dans les toutes dernières pages, au terme d’un long roman et j’avais sans doute un peu hâte de découvrir enfin la vérité. 

Les avis peuvent être très partagés sur les romans de Kate Morton.

J’ai sincèrement souhaité la découvrir cette année, enthousiasmée par tous les avis positifs; je conserve l’envie de poursuivre mes lectures de l’auteure, plus par goût de connaissances historiques, de plongée notamment dans la période victorienne, que pour la recherche d’émotions ou de frissons de lecture.

Je serai peut-être agréablement surprise, je reste ouverte et attentive bien sûr !

Ses romans feront partie de ma bibliothèque et serviront de repères et de suggestions aux personnes férues de romans historiques et de secrets de famille.

Quelques citations :

« Quelque part au fond de moi-même, je ne suis tout à fait jamais partie de Riverton. Ou plutôt, c’est la maison qui a refusé de me laisser partir. »

« Je veux être libre. Disponible pour toutes les aventures qui peuvent se présenter et m’emporter dans leur tourbillon. »

« Pourquoi Hannah a-t-elle épousé Teddy ? Non pas parce qu’elle l’aimait, mais parce qu’elle était prête à l’aimer. Elle était jeune et sans expérience aucune, à quoi aurait-elle pu comparer ? »

« Personne ne trouva à redire aux visites de Robbie. En tout cas au début. Tout le monde savait que le jeune homme avait été l’ami de son frère, qu’il avait assisté à ses derniers instants. Il pouvait paraître insolite, voire inconvenant, ainsi que Bayle continuait à l’affirmer, mais on mettait cela sur le compte des étranges effets de la guerre. »

« Robbie devint sa bouée de sauvetage. Ils parlaient littérature, voyages… Ils échangeaient des idées farfelues, évoquaient des endroits lointains. On aurait dit qu’il savait déjà tout d’elle. Elle s’aperçut bientôt qu’elle avait hâte de le revoir, et entre ses passages, elle s’agitait, trouvait le temps long, ne s’intéressait plus à rien. »

« Après cela, les choses changèrent. L’implicite était devenu explicite. Pour Hannah, les ténèbres commençaient à se résorber. Elle était amoureuse, même si elle ne s’en rendait pas tout à fait compte. »

« Il y a plus de chances pour que Robbie ait été le père et que la petite fille ait été conçue au bord du lac. »

À très vite.

Magali

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