Se lire au féminin

Dans le murmure des feuilles qui dansent – Agnès Ledig

Dans le murmure des feuilles qui dansent, Agnès Ledig

En commençant ce roman, je ne savais pas encore à quel point les émotions allaient surgir telles un raz-de-marré dès les premières pages. En tant que fidèle lectrice d’Agnès Ledig, je me suis plongée avec douceur dans cette lecture  tout aussi poignante que revigorante.

Voici en partie pourquoi…

“Toi et moi, on est ce dessin. La tempête nous bouscule avec ta maladie, mais on a une branche solide qui nous relie tous les deux et on dessine un A, comme Amour. Un amour qui résiste à tout, quoi qu’il arrive. Je serai toujours ton arbre d’à côté, et je te tiendrai toujours.”

Le résumé :

Anaëlle, une jeune femme dont le destin a été bouleversé par un accident, se reconstruit doucement, entre son travail et sa passion pour l’écriture.

À la recherche d’informations pour son prochain roman, elle entame une correspondance avec Hervé, procureur à Strasbourg.

Thomas, menuisier, délaisse son atelier pour rejoindre l’hôpital où son petit frère Simon affronte une grave maladie. Ses histoires merveilleuses d’arbres et de forêt colorent le quotidien de l’enfant.

Si chacun se bat à sa manière contre la fatalité, le hasard pourrait bien décider de les réconforter.

Agnès Ledig noue dans ce roman une histoire simple et poignante où les âmes blessées donnent le meilleur d’elles-mêmes et nous rappellent, avec l’aide de la nature, que la vie est plus forte que tout

Mon avis et ressenti :

Ce roman, c’est l’histoire d’une famille unie autour du petit Simon qui vit chaque jour de sa maladie avec un grand courage, celui-là même dans lequel son grand-frère Thomas puise ses forces pour affronter sa propre peine et protéger et sécuriser Simon, sans relâche. 

Pour continuer à alimenter le monde de Simon, son enfance, son imaginaire pour lui faire du bien.

C’est qu’ils s’aiment ces deux, très fort.

Car, «D’après lui (Thomas), leur amour n’a que peu à voir avec les liens du sang. C’est la force de l’attachement, la douceur d’être ensemble, l’évidence qu’ils sont sur la même longueur d’ondes, qui donne un sens à leur famille».

Alors, il tient bon Thomas, lui parle d’arbres, de forêt, d’animaux, de nature; de leurs repères à eux construits au fil de leurs promenades, de leur ancrage solide et commun.

Thomas, son père, sa famille, implorent la vie dans le silence de leur douleur. Afin que le petit Simon ne devienne pas un petit ange.

Chacun traverse cette épreuve muni de ses propres ressources ; Thomas ne peut faire autrement que d’aller voir Simon chaque jour, malgré sa fatigue, ses journées de travail harassantes parfois.

Cette épreuve (si injuste) « le fait réfléchir au monde. À son petit monde à lui, et au grand, autour. Comprendre les vrais enjeux d’une existence. Voir les choses sous un nouveau jour, tout simplement. Son petit frère malade est le meilleur professeur pour remettre les pendules à l’heure ».

Courage. Présence. Soutien. Amour. Les piliers.

En parallèle et comme en miroir, ce roman est aussi l’histoire des liens épistolaires qui se tissent entre Anaëlle, une jeune femme meurtrie dans son corps suite à un grave accident et Hervé, procureur, qui jusque-là n’avait pas vraiment pris conscience de l’ennui de sa vie. Jusqu’à leurs échanges précieux par courrier, suite à la demande d’Anaëlle d’obtenir des renseignements quant au déroulement d’une procédure judiciaire. Passionnée par l’écriture, son deuxième roman, un policier, est en cours et elle a besoin de précisions dans ce domaine.

Assez vite, des envies, des émotions, des questions émergent de part et d’autre. Comme une attirance naissante. Et la peur du manque qui surgit tout aussi vite. La peur de perdre l’autre, surtout. Car Hervé ressent peu à peu tout ce que ces échanges provoquent en lui, « il n’ose pas croire ce qui pourtant lui saute aux yeux. C’est le manque qui rend le reste insupportable. Le manque accentue tout. L’absence de nouvelles, d’échanges éclabousse la journée d’un silence qui touche ».

Ainsi, Hervé sentirait son humeur dépendre de ces lettres, sans en connaître encore l’expéditrice…

Et quand les jours de silence entre eux s’enchaînent, Hervé tremble un peu à l’intérieur… « Presque dix jours sans nouvelles. Mais il s’est raisonné : non, elle ne lui ai redevable de rien ; évidemment elle ne l’a pas oublié, du moins l’espère-t-il, mais alors pourquoi ce silence »?

C’est que, de son côté, Anaëlle avance avec ses peurs, d’autant plus douloureuses depuis l’accident. Avec la gêne, la honte aussi parfois, en sourdine. Elle n’ose pas se montrer telle que l’accident l’a rendue. Pas encore. 

Ces chemins de vie différents vont finalement converger au moment où Anaëlle et Thomas vont se rencontrer; suite à l’acquisition de la jeune femme d’une maisonnette dans son village natal. Elle fait alors appel à Thomas pour des travaux. Dès ce moment, chacun va timidement entrer dans la vie et les souffrances de l’autre. Pour s’écouter, s’épauler, se soutenir pour la suite de ce que la vie leur présentera. 

J’ai eu du mal à m’extraire de ces différents cocons d’amour pur, brut, sincère, fraternel, profond; celui qui transporte et celui qui fait mal, celui qui accepte de laisser partir parce que personne n’a le pouvoir de retenir l’autre, jamais…

Du mal à fermer le livre tant les émotions cachées derrière un arbre, une lettre, une image, une sensation m’ont transportée loin dans mes propres souvenirs.

La symbolique tient une place importante dans ce roman aux accents parfois poétiques, une symbolique qui aide à réparer les endroits de l’être blessés.

Et Thomas, avec toute sa pudeur masculine, m’a profondément touchée par sa sensibilité. À fleur de peau.

Des cœurs qui balancent tantôt vers la tendresse, l’espoir, la confiance et l’enthousiasme et tantôt vers la peur, la panique, le découragement, la peine.

Tout ce qui rempli nos vies en définitive.

Merci pour ce livre dont le titre résonnera fort en moi pour un moment et dont la couverture tendrement suggestive enveloppe le roman de douceur et d’humanité. 

 

Quelques citations :

« Blessure insupportable. Le rejet, encore une fois. Quand le premier sentiment de ce genre opère avant même la naissance, toutes les autres situations au fil de l’existence remuent le couteau dans la plaie, inlassablement, et parfois sans répit. N’a-t-elle donc pas droit à quelques miettes du gâteau d’amour ? Elle ne demande pas la cerise, juste une petite part. »

« Il n’ose pas croire ce qui pourtant lui saute aux yeux. C’est le manque qui rend le reste insupportable. Le manque accentue tout. L’absence de nouvelles, d’échanges éclabousse la journée d’un silence qui tâche. »

« Et puis un jour, vous comprenez que la vie est ici, dans l’instant, puisque rien ne dit qu’elle sera encore là demain, et après-demain, et les jours suivants. Alors vous la traversez un peu plus fort, un peu plus doux, un peu plus fou. »

« On leur parle toujours de taux de survie, on les prépare au pire. C’est à la fois humain et cruel. Est-ce qu’être préparé rend l’issue moins douloureuse ? Cela permet tout au moins de vivre chaque moment avec l’intensité qu’il mérite. »

« Peut-être est-ce là le secret des enfants. Convoquer l’avenir dans l’instant présent, s’accrocher à la perspective de demain pour supporter aujourd’hui. »

« A-t-on vraiment besoin d’entrer dans les cases, de définir une relation, notre relation, selon les codes en vigueur ? L’amitié autorise ceci, mais interdit cela, la relation d’amour n’interdit pas ceci, mais n’autorise pas cela… Et si nous innovions, si nous inventions une relation à mi-chemin, que nous serions seuls à connaître, qui nous autoriserait à ce que nous décidons ? Qui nous en empêche, après tout ?

Est-il possible d’imaginer que vous soyez plus qu’une simple amie sans que cela perturbe nos vies respectives ? »

« Thomas inspire profondément. Quand il venait avec son petit frère dans ce coin de forêt, à la découverte des trésors, des merveilles, mais aussi des dangers, Thomas ne le quittait pas des yeux. Il en avait la responsabilité, il devait le protéger.

Il n’a pas pu le défendre de tout, mais il a fait ce qu’il pouvait de plus grand. L’aimer. Il pose ses deux mains à plat sur la souche et ferme ses paupières.

Désormais, il ne le quittera plus du coeur. »

À très vite.

Magali

Partagez cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *